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Les charmes inattendus de l’auto-édition

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Les charmes inattendus de l’auto-édition
Ichbiah Daniel

Depuis quatre semaines, j’ai mis une dizaine de livres en vente sur l’Amazon Kindle. Que dire… Pour un auteur, c’est un drôle de sentiment. Soudainement, des tas d’écrits qui dormaient, qui n’étaient plus réédités sont proposés au public. Pour le moment, les ventes ne sont pas mirobolantes, mais elles existent. Et avant tout, une sensation d’être entré dans une nouvelle ère se dessine. Et l’impression que certaines choses pénibles que l’on a pu vivre ne se répéteront plus…

En premier lieu, je tiens à le préciser, il y a des éditeurs très appréciables, fiables, agréables à fréquenter. Il y en a, je peux l’attester. Un grand nombre d’entre eux sont devenus des amis.
Mieux encore, je pense que, dans la plupart des cas, il est illusoire de vouloir faire un best-seller sans passer par un éditeur. Pour plusieurs raisons.
En premier lieu, un éditeur a un regard extérieur et il peut indiquer à l’auteur des passages faiblards, des incohérences, des points qu’il vaudrait mieux revoir. L’éditeur ayant pour métier de vendre le livre, il a souvent un regard aiguisé en la matière. Cet apport est parfois inestimable.
De plus, l’éditeur se charge de mille tâches que l’auteur n’a pas forcément envie d’assumer. Les meilleurs ont une attachée de presse qui se charge de promouvoir le livre, d’obtenir des interviews radios et télés, des chroniques du livre. Ce sont des tâches qui demandent énormément de temps et de savoir-faire.
Enfin, l’éditeur assure la distribution du livre dans les librairies et là aussi, c’est un sacré travail, nécessitant des forces de ventes qui se déplacent dans toute la France pour convaincre les libraires de prendre le livre, de le mettre en avant.
Tout cela est très loin d’être négligeable et même si important que le métier d’éditeur est loin, très loin de disparaître. Et la chose est pareillement vraie pour les maisons de disque…

Comment publier pour le Kindle d'Amazon

À l’automne 2007, Radiohead a tenté une inexpérience inédite pour un groupe de rock de cette envergure. Jusqu’à présent, les disques de la formation étaent sortis sur EMI/Capitol mais le contrat qui liait Radiohead à cette maison de disque venait de s’achever. Après avoir écoulé un grand nombre d’albums par le circuit traditionnel des ventes en magasin, la formation que dirige Thom Yorke a lancé son album In Rainbows directement sur le Web. Mieux encore, l’acheteur décidait que ce qu’il voulait bien payer.
À cette époque, le chanteur Thom Yorke a confié ceci au magazine Time :
« J’aime beaucoup notre maison de disques. Toutefois, le temps est venu de se demander si l’on a réellement encore besoin d’eux. »
Paroles, paroles… Ce n’étaient que des mots. Passé l’effet de surprise, dès le 10 décembre 2007, le groupe a fermé le site de téléchargement, invitant les retardataires à acheter In Rainbows… dans un magasin de disques ! Sous cette forme classique, l’album est alors monté n°1 des charts américains et britanniques.
À l’automne 2008, Warner-Chappell a dévoilé quelques chiffres relatifs à une telle opération. Il s’est avéré que Radiohead avait vendu 3 millions d’albums en utilisant cette forme de vente – dont 1,75 millions de CD – un nombre très largement supérieur à ses ventes habituelles. Et quand bien même certains amateurs n’auraient payé qu’une somme modique en téléchargeant l’album, le groupe a récolté l’essentiel de cette manne. Dans la foulée, Radiohead a également écoulé 1,2 millions tickets de concert. L’opération a été jugée plus que profitable.
La grande question demeurait : est-ce que Radiohead aurait vendu autant de In Rainbows si le groupe était inconnu. La réponse est évidemment non. Or, qui a soutenu Radiohead durant plus d’une décennie et lui a permis d’enregistrer des albums sophistiqués et de les promouvoir : sa maison de disque !

Ce préambule pour dire que je ne pense pas que l’auto-édition puisse remplacer l’édition traditionnelle. Très peu d’auteurs sont en mesure d’assumer eux-même aussi bien l’activité d’écriture que celle de promotion. Par conséquent, passer par un éditeur – y compris pour les livres numériques – demeurera longtemps un passage obligé.
Depuis mes débuts d’auteur, j’ai publié des dizaines et dizaines de livres et seuls un petit nombre sont devenus ce que l’on appelle des best-sellers. Parmi eux figure Bill Gates et la saga de Microsoft (1995) qui s’est vendu à 200 000 exemplaires environ, Les 4 vies de Steve Jobs (sorti l’an dernier et qui a dépassé les 20 000 dont plus de 2 000 en version ebook sur l’iPad), Solfège, nouvelle méthode simple et amusante, sorti en 2003 et qui avoisine les 100 000 exemplaires vendus. Il y a aussi La Saga des Jeux Vidéo (14 000 à ce jour), Sauver la Terre (co-écrit avec Noelle Saugout et qui a frôlé les 20 000), le Dictionnaire des Instruments de Musique (25 000 environ à ce jour), Enigma I et II (livres d’énigmes – 10 000 exemplaires), et d’autres dont je parlerais plus loin. Etrangement, j’ai aussi connu de très bonnes ventes aux alentours du millenium pour des livres de solution de jeu vidéo…

Flashback. Mon premier livre est sorti en 1986. Un ami, Camille Saféris, qui s’occupait du service minitel du fan club de Odeurs ( !), était venu me voir avec une drôle d’idée : écrire des messages comiques pour les répondeurs. Nous avions passé des soirées et même parfois des journées entières à ‘pondre’ des messages. Certains d’entre eux me font encore rire, tel celui-là :
« Bienvenue à SOS-Rasoir.
Vous avez composé le n° du rasoir à domicile. Après le top sonore, appliquez délicatement le micro du combiné sur votre visage en prenant soin de régler l'intensité à l'aide du cadran téléphonique. Appuyez sur la prise pour avoir de la mousse et n'oubliez pas de nettoyer votre appareil après usage. Pour profiter d'un jet d'after-shave, composez le n° 49-99-99-99. Attention aux blessures en raccrochant. A demain matin. »
Par une journée de printemps, nous avons commencé à appeler les éditeurs un à un. Au téléphone, on nous répondait régulièrement ceci : ‘Le directeur de collection n’est pas là, il est au Salon du Livre’. Progressivement le message est passé : ils sont tous au Salon du Livre. Nous avons imprimé plusieurs exemplaires du livre et avons foncé à ce fameux salon qui se tenait alors au Grand Palais.
Nous ne savions pas alors qu’il pouvait être difficile de placer un premier livre et nous sommes donc allé voir plusieurs éditions. À la fin de l’après-midi, sacré problème : 3 éditeurs voulaient nous signer un contrat. Lequel choisir ? Nous avons découvert au passage et sur le tas, les merveilleux à valoir : l’un d’eux nous offrait 10 000 francs chacun (1 500 euros) pour avoir notre livre.
Au bout de quelques jours, nous avons choisi l’un des trois : les Editions de l’Instant. Le livre, Ne quittez pas je vous passe mon répondeur est sorti un ou deux mois plus tard. Et surprise : un matin, je descends à la librairie, et que vois-je : notre livre était en Une d’un quotidien de l’époque, Le Matin de Paris. Peu après, nous avons eu droit à une page entière juste derrière la playmate du mois du magazine Lui.
Pour un bon début, c’était un bon début. Et pourtant, par la suite, il fallu quelque peu galérer durant plusieurs années. Pour un roman de science-fiction que j’avais co-écrit, XYZ, il a fallu près de 25 envois à des éditeurs avant d’en trouver un qui veuille le publier, Fleuve Noir. Il est sorti en 1993 mais n’a pas fait de prouesses particulières.

La chance est venue en 1995. J’avais écrit une biographie de Bill Gates. Elle avait été publiée chez Marabout également vers 1993 mais ne s’était pas énormément vendue. Et puis, Bill Gates est devenu l’homme le plus riche du monde. J’ai harcelé Marabout comme j’ai pu et insisté : ‘il faut le ressortir, il faut le ressortir…’. Mais comme Marabout n’en avait pas beaucoup vendu, son directeur qui était à Bruxelles ne voulait plus en entendre parler. Il m’a donc rendu les droits. Le livre a été placé chez Pocket et aussi complété. Et là, succès immédiat ! Dès la première semaine, il entre dans le Top 10 des ventes. Ce livre a été traduit dans plusieurs langues et s’est vendu à environ 200 000 exemplaires dans le monde.
On pourrait croire qu’un succès en entraîne un autre, mais ce n’est toujours aussi facile. En 1997, est sorti Bâtisseurs de rêves, un livre qui dès l’année suivante est devenu La Saga des Jeux Vidéo chez Pocket. Or, à sa sortie, cette histoire des jeux vidéo n’a pas fait de miracles. Il arrive que des livres sortent juste un peu trop tôt. Pour information, La Saga des Jeux Vidéo en est à sa 5ème édition – sortie en janvier 2012 – et la surprise a été de voir que ses ventes se sont accélérées au fil du temps
Ces quelques 25 années en tant qu’auteur m’ont appris énormément de choses sur l’édition et les éditeurs. Ce faisant, j’ai connu 4 types de situation extrêmement pénibles à vivre et que je vais décrire ici.
Mais il y a aussi des éditeurs dont le comportement est plus étrange ou plus inattendu…

Certains éditeurs semblent souffrir d’un étrange syndrome que l’on pourrait résumer ainsi : sortir un maximum de livres espérant que dans le tas, il y aura bien un succès qui sauve la mise. Signe particulier : ces personnes sûres de leur fait négligent généralement la promotion. De mon point de vue, c’est une erreur : ils feraient mieux de sortir 2 fois moins de livre et de consacrer un budget à la promotion intense !!!
Je connais un éditeur qui a réagi par un dédain condescendant lorsque j’ai évoqué comment un autre éditeur gérait la promotion. Et oui, il faut parfois affronter la vacuité de ceux qui ‘savent tout’ (je ne collabore plus avec cet éditeur, il va de soi).
Pourtant, j’ai très souvent constaté une montée spectaculaire des ventes d’un livre après un passage radio ou télé. Le mot ‘spectaculaire’ n’est pas de trop. Par conséquent, je crois très fort aux vertus de la promotion et ne rate jamais une occasion de donner une interview.
Mon maître en la matière est Bernard Werber avec qui j’ai travaillé en 1995 (pour Canal+). Il accepte toutes les interviews qu’on lui propose, y compris de la plus anodine des feuilles de chou, fanzine d’étudiant, bulletin d’information des homéopathes qui ne serait diffusé qu’à 200 exemplaires… Je n’ai jamais vu cela à une telle échelle. On dirait qu’il passe un quart de son temps à cela. Et cela lui réussit à merveille.

Parmi mes best-sellers, se trouve le livre Sauver la Terre (2007) co-écrit avec Noelle Saugout. Il s’en est vendu 19 000 exemplaires. Pourtant, ce livre ne m’a rien rapporté (en dehors de l’à-valoir). Comment expliquer cela ?
Il se trouve que cet éditeur, au demeurant fort sympathique (L’Archipel), applique un système un peu à part – mais clairement indiqué noir sur blanc dans ses contrats. Si l’un des livres que l’on a publié chez lui n’a pas remboursé son à valoir, ce manque à gagner est soustrait des revenus de l’auteur. Or, j’avais publié chez l’Archipel un livre, Comment Google mangera le monde, qui s’est insuffisamment vendu. L’année suivante, nous avons publié un autre livre d’écologie, Ma Maison Ecolo qui a fait un bide (à mon sens, la couverture a tué ce livre). Résultat des courses : Sauver la Terre s’est super bien vendu mais ne m’a pas rapporté un centime.
C’est très frustrant pour un auteur de recevoir son enveloppe annuelle et de voir qu’un livre bien vendu ne rapporte pas un centime. Conclusion : il faut lire les contrats scrupuleusement. On pourrait penser que tous les contrats d’éditeurs se ressemblent, c’est le cas la plupart du temps mais pas toujours.

En 2004, Brieuc Segalen et moi-même sortons un livre sur le logiciel Garage Band chez Eyrolles. Cette année là, nous sommes présent à l’Apple Expo et nous assistons à une scène incroyable : la pile de livres Garage Band descend à vue d’œil. Au bout d’une heure ou deux, le libraire installé à l’Apple Expo n’en a plus un seul. Seulement voilà : quand nous lui disons qu’il faut réapprovisionner ce livre, il met toute la mauvaise volonté du monde. De guerre lasse, je me retrouve à devoir appeler l’un des directeurs de l’édition pour signaler cette absurdité : nous avons un best-seller et le libraire Eyrolles de l’Apple Expo refuse de le réapprovisionner. Le livre va finalement arriver un ou deux jours plus tard ( !) et sera la meilleure vente de l’Apple Expo. Mais que de ventes ratées !… Et bizarrement, ce livre tant demandé n’a pas non plus rapporté un centime.
Comment comprendre un tel comportement ? Je me suis souvent posé la question et les conclusions auxquelles je suis arrivé ne sont peut-être pas les bonnes. Comment pourrait-on expliquer qu’une édition ne verrait pas d’intérêt particulier à vendre certains livres ? Peut-être parce que cette publication de livres lui apporte des intérêts à un autre niveau, par exemple au niveau fiscal. Pour mieux comprendre ma thèse, citons l’histoire de la chanson ‘Banana split’ de Lio. De façon étonnante, la maison de disque Ariola ne croyait pas à cette chanson et n’a sorti ce disque que pour des raisons fiscales – la sortie de disque d’artistes belges avant la fin 1979 lui permettait d’obtenir des déductions d’impôts !…

Le quatrième fait, je l’ai vécu l’an passé (en 2011) et il a été fort douloureux. L’un de mes livres, était constamment n°1 de sa catégorie. Pourtant, à partir du printemps, il a commencé à être en rupture de stock. Et à ce moment là, l’éditeur n’avait tout simplement pas les moyens de le réimprimer. Les mois ont passé et par la suite, l’éditeur a invoqué d’autres raisons. Il est douloureux, carrément douloureux, d’avoir un best-seller qui n’est tout simplement pas disponible à la vente ! Cet éditeur et moi nous sommes finalement mis d’accord : j’ai écrit trois nouveaux chapitres et le livre est finalement ressorti. Combien de centaines ou milliers d’exemplaires aurions-nous pu vendre durant ce temps où le livre a été absent des rayonnages ?

Voilà au moins 4 raisons – il y a en a bien d’autres – pour lesquelles j’ai trouve aujourd’hui formidable de pouvoir publier une dizaine de mes livres – qui n’étaient plus en vente – en auto-édition sur le Kindle. Tous ces livres qui ‘dormaient’, je peux à présent les proposer à faible prix en direct.
L’un de ces livres que j’ai pu mettre en auto-édition s’appelle Rock Vibrations. Il raconte l’histoire de tubes tels que « Stairway to Heaven », « Hotel California », etc. Le plus incroyable, c’est que ce livre d’abord sorti en 2003 et qui à mon sens possède encore des potentiels de séduire un public, a été proposé à deux éditeurs numériques. L’un d’eux a d’abord exprimé le désir de le publier, puis m’a fait perdre des semaines en tergiversations pour finalement dire qu’il ne le publiait pas. Alors qu’il n’a fallu que quelques heures pour le mettre en forme pour le Kindle et le mettre en vente (sachant qu’il faut une bonne journée ou plus pour qu’Amazon le valide). Et il se vend bien (il a été plusieurs fois n°1 de la catégorie Musique).
Un autre est le livre sur Bill Gates qui n’était plus en vente depuis 2007. Aucun éditeur papier ne voulait plus le publier. Régulièrement, des gens me demandaient comment le trouver. Je l’ai proposé à plusieurs éditeurs ‘papier’ qui ont tous estimé que cela ne serait pas forcément rentable de le réimprimer – et il se peut qu’ils aient raison. Et bien, il est maintenant sur le Kindle à 4 euros environ.
À présent, si un livre se vend ou ne se vend pas, l’auteur ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
En tout cas, avoir un livre sur une librairie d’ebooks tel que Kindle nous permet aussi d’être tranquille : les livres en rupture de stock appartiennent au passé. Ils seront toujours disponibles, aussi longtemps qu’Amazon existera…
Quid des ventes me direz-vous ? Amazon nous fournit des outils d’analyse et permet de les suivre semaine après semaine. Et de façon étonnante, mes livres en auto-édition se vendent assez correctement. Rien de miraculeux, mais il faut laisser le temps au temps ; le Kindle vient tout juste d’arriver en France et il faut qu’un public se développe.
En tout cas, il est très enthousiasmant pour un auteur de pouvoir proposer directement ses œuvres à ses lecteurs. Une nouvelle ère s’ouvre pour les écrivains…
Daniel Ichbiah

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Comment publier pour le Kindle d'Amazon

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